samedi 6 décembre 2014

La "balkanisation" des connaissances

En avant-propos, je tiens à préciser que je n'ai rien inventé de ce qui est écrit ci-après: tout a déjà été pensé et écrit, ceci n'est donc qu'un petit rappel.  Je profite de ma "médiatisation" pour vous donner cette information. On la trouve dans les écrits de Piaget, Paper ou Whitehead. La très grande majorité des idées reprises ici  se trouve notamment dans un excellent article de la Revue Française de Pédagogie de 1987, écrit par M. Crahaix à qui j'emprunte le terme "balkanisation".



Hier soir (05/12/2014) j'étais invité sur France2 dans l'émission "ce soir ou jamais" pendant laquelle j'ai évoqué la "balkanisation" des savoirs, ce qui a suscité quelques interrogations sur les réseaux sociaux puisqu'il m'a été difficile de développer mon propos.

Je tiens donc ici à vous écrire la totalité de mon point de vue sur ce que j'entends par là, et la réponse que nous avons donnée à 42. Je précise également que je ne parle que des jeunes pour lesquels le système traditionnel d'apprentissage des savoirs ne fonctionne pas ou fonctionne mal, puisque dans le même temps, je milite pour le maintien du système actuel... pour ceux pour qui il fonctionne si bien.
Il est important de ne pas encombrer l'esprit de l'enfant "d'idées inertes, c'est-à-dire de toutes ces connaissances qui sont reçues par l'esprit, mais ne sont jamais utilisées, vérifiées ou combinées en des synthèses nouvelles" A. N. Whitehead - 1929
Dans le système classique, nous avons organisé une double séparation de l'apprentissage des matières. L'une spatiale, dans la mesure où l'étudiant doit se déplacer physiquement à l'école pour apprendre. Il sort de son environnement habituel de vie pour entrer dans une institution qu'il identifie naturellement comme étant séparée de sa vie. Je ne remets pas en cause le fait que cela peut présenter  des avantages, mais je ne peux négliger les quelques inconvénients : en effet, l'étudiant ne reçoit exclusivement son savoir que de la seule école, bien entendu : il en reçoit de ses parents ; il en acquiert lui-même par ses expériences, sa culture... etc.

 Dès lors, il structure sa pensée entre ce que l'on pourrait qualifier de "ce que j'apprends à l école" et "ce que j'apprends ailleurs".

La deuxième séparation tient au fait que l'école, par souci de rationalisation et de simplification des enseignements, a séparé les matières. Le français, les mathématiques, les sciences de la terre, la physique, la chimie, les langues...sont autant de matières enseignées de façon cloisonnée.

Ces deux phénomènes qui s'auto-alimentent pendant toute la scolarité ont deux effets problématiques collatéraux.

Tout d'abord, c'est que l'étudiant sépare ce qui est acquis à l'école de ce que est acquis "dans les autres situations". Le lien entre les deux n'est pas nécessairement fait : ainsi au bout de sa scolarité, 5 à 8 heures par jour pendant 10 à 20 ans ! Il ne lui reste qu'un vernis craquelant de connaissances disparates sans aucun rapport les unes avec les autres. Il peut considérer ces informations comme inutiles et les "mettre au banc" de son apprentissage. Elles lui sont externe. Malheureusement, le pas est vite franchi pour que toutes les connaissances reçues à l'école ne subissent le même sort.
On peut facilement imaginer qu'un jeune de 11 ans pour qui entrer en religion n'est pas un but dans la vie, qualifier d'un zéro absolu l'intérêt d'apprendre la différence entre le clergé séculier et le clergé régulier. Cet enseignement n'aura présenté pour lui que l'intérêt très temporaire de préparer son interrogation d'histoire...

L'argument rationaliste consisterait bien sûr à dire que même si il n'en reste  qu'un vernis, c'est toujours ça de pris ! Mais c'est surtout beaucoup d'autres choses manquées.

Si vous demandez à une personne si elle fait ou même si elle utilise des mathématiques dans son activité quotidienne, elle vous répondra souvent "non", jamais. Parce que pour elle, les mathématiques c'est un truc qui se fait à "l'école". Encore plus souvent il vous dira : "je suis nul en math". Si vous lui demandez comment il le sait, il vous répondra qu'il avait des mauvaises notes à l'école. D'ailleurs la personne qui avait des bonnes notes, vous dira, gonflée de modestie : "j'étais pas mal en math !". Tout est dans l'utilisation subtile du verbe être au passé. Même lui considère qu'il n'en fait plus. Les mathématiques : c'est un truc d'école. Or c'est inexact puisque tout le monde fait des mathématiques tous les jours.

Ensuite, l'appréhension de se rendre à l'école se transforme au fil des ans en phobie de l'école. Combien d'enfants connaissez vous qui ne se rendent pas, la peur au ventre, dans leur établissement tous les jours ?

Puisque les mathématiques sont associées à l'école et l'école à la phobie, on termine par la phobie des mathématiques (la peur est transitive) ! Je me souviens de ma voisine à qui je proposais une semaine de "piscine" puisqu'elle est passionnée par l'informatique mais que sa "voie" scolaire en lettres ne lui a pas permis, évidemment à cause des découpages par matière, d'accéder à un quelconque moyen d'apprendre à coder. Elle change alors de couleur et me dit : "Oui mais attends... pour coder, il y a besoin de la logique ! Et là... franchement .. ça risque de coincer ! J'ai toujours été nulle en logique". Très franchement, vivre sans faire de logique est-ce possible... surtout en France en 2014 et au niveau de responsabilité qui est le sien ?

Bien entendu les gens ne savent pas quel est le champ merveilleux que peuvent ouvrir les mathématiques...et dans le même temps, ceux qui y ont eu accès ont du mal à comprendre la phobie des premiers !

Quoi qu'on en dise c'est d'une profonde tristesse et un énorme gâchis économique entre autres choses, pour notre société, que des millions de personnes renoncent à "affronter" le moindre calcul mathématique.

Mais la balkanisation des matières a une autre conséquence qui me semble la plus problématique.

Une des gymnastiques intellectuelles les plus intéressantes en matière d'éducation est de réussir à cumuler plusieurs disciplines pour créer quelque chose de plus grand, comme le fait le Centre de Recherche Interdisciplinaire, quasi unique en France.

Les problèmes de la vie courante à résoudre requièrent une approche inter-disciplinaire et non cloisonnée. Malheureusement l'étudiant ne sait pas utiliser ses connaissances acquises lors de sa formation parce que cette gymnastique s'apprend. Et le système pédagogique classique s'en est totalement séparé, justement, en détruisant tout ou partie l'interdisciplinarité par rationalisation outrancière organisée dès le collège. On perd là des capacités de réflexion, pourtant essentielle à la résolution de problème mais surtout de génération de l'innovation.

Les personnes qui tentent de tout rationaliser dans l'éducation vous expliquent que la poésie c'est fait pour faire bosser la mémoire, tandis que les maths font travailler la logique et le sport... le corps. D'ailleurs le plus grand danger qui guette l'apprentissage de la programmation est qu'il va être intégré comme une matière classique, avec certainement comme seul objectif de s'exercer à la résolution de problèmes par exemple. Et on va donc terminer avec des légions de personnes qui auront entendu : "Vous avez eu 0 en code, donc vous êtes mauvais en résolution de problème"... ce qui ne sera pas sans conséquence pour elles dans leur vie future, alors que c'est totalement faux.

L'idée à 42 est donc de briser tous ces cloisonnements en changeant quelques règles d'éducation.

La cloison la plus difficile à briser est celle liée à la vie "dans et hors de l'école" dont j'ai parlé précédement. C'est pourquoi 42 est ouvert 24h/24 et 7j/7. Nous sélectionnons des étudiants qui se plaisent chez nous. Hors de question de frustrer des personnes en les forçant à apprendre à coder (franchement rien que de l'écrire je me marre). Nous avons essayé, comme le disait Florian, lors de la conference de presse, de faire de 42 un lieu "mieux qu'à la maison" pour que l'étudiant s'y sente bien. On a donc des étudiants qui vivent dans l'établissement "comme chez eux" (ce qui n est pas sans poser quelques problèmes logistiques importants comme pour le logement où l'on n'est pas au top !).

Ensuite nous ne balkanisons pas la fabrication ! Notez qu'ici je n'utilise pas le terme apprentissage. À 42, nous n'apprenons pas à faire des math... nous en faisons.

Nous ne faisons pas que des maths d'ailleurs. Nous faisons de la culture générale, nous faisons de la physique, nous faisons de l'histoire... et tout en même temps.

Nous donnons un projet à faire à un groupe d'étudiants, qui pour le résoudre, va devoir utiliser plusieurs dizaines de disciplines scolaires et d'autres encore, que nous ne savons ni identifier ni quantifier.

Il est évidemment alors impossible de faire une évaluation rigoureuse de la quantité d'apprentissage ingurgitée... c'est une des raisons pourquoi nous (institution) ne notons pas :
« le but premier d'une pédagogie constructiviste est de stimuler, chez tout enfant, un processus d'interaction avec l'environnement qui l'amène à créer lui-même des manières de penser ou d'agir de mieux en mieux organisées» Crahaix - 1984
D'ailleurs ce que nous faisons ne peut pas s'évaluer dans le monde actuel. Vous vous demandez alors si ce que nous faisons produit des résultats : assurément ! On parle ici de la construction d'un Homme, et non d'un sujet aussi trivial comme la vitesse d'une voiture à exprimer en m/s.

Tout ne s'évalue pas et tout n'est pas évaluable : l'éducation est une alchimie complexe et c'est aussi ce qui rend le sujet si intéressant.

Je suis très fier que la France sorte de son système classique des étudiants épanouis pour en faire des  citoyens. Je serai tout aussi heureux que ceux qui n'y sont pas adaptés puissent s'épanouir dans un autre. Il faudrait que ces autres solutions soient plus accessibles au plus grand nombre pour faire de la France un pays qui cesse de générer des exclus, des frustrés et des phobiques.

mercredi 17 septembre 2014

A destination de la "vie moderne"

Petite info : Entre le moment de ma reponse et la publication M. Loys viens visiter 42 demain jeudi a 14h00...

Bonjour M. Loys,

Vous me citez dans un de vos articles sur "La Vie Moderne". Je me permets de vous répondre parce que vous me prêtez quelques propos que je ne pense pas avoir tenus.

De manière générale et je ne m'étendrais pas sur ce sujet, sachez que je pense que nous vivons un monde post-moderne. La modernité (selon Descartes) est un concept dépassé.

Je vous réponds sur mon blog et sur la partie qui me concerne :

Peu importe, « 42 » formera « un millier de génies » qui ne seront, malgré les proclamations sur la créativité et l’innovation, que « des touche-à-tout perdus dès qu’il s’agit de faire autre chose que d’appliquer une recette maintes fois rabâchée. » Kwame Yamgnane, co-fondateur de « 42 », l’affirme d’ailleurs à sa manière : « Les capacités d’un développeur se rapprochent plus de celle d’un artisan. Contrairement aux mathématiques, qui sont une science, la programmation est un art. » Bref, chez « 42 », on est moins un étudiant qu’un apprenti. Kwame Yamgnane est même catégorique :« L'informatique ne peut pas s'enseigner comme une science, c'est un art créatif qui demande une pensée disruptive. » C’est vrai que jamais la moindre « pensée disruptive » n’est venue de grands scientifiques !

Tout d'abord je vous remercie de me faire dire que les milliers d'artisans que j ai formés ne sont que des "touches à tout" perdus des qu’il s’agit de faire autre chose que d’appliquer une recette maintes fois rabâchée. Je ne peux pas vous laisser affirmer une telle phrase.

Je pense très exactement le contraire. Je pense même que cette répétition est organisée, années après années, par des professeurs dans des classes bourrées d'élèves.

En ce qui concerne la programmation, l'art, et la science. Vous êtes professeur de Lettres Modernes (je ne sais pas très bien ce que cela veut dire d'ailleurs, ce n'est pas trop mon milieu). Quand vous écrivez, vous créez et vous êtes donc un créatif.  Je ne vais pas vous vous faire l'affront de l’étymologie du terme art dans le sens "connaissance technique" non plus. Quand nous programmons nous écrivons et nous avons une connaissance technique : c'est un art.

Comme vous avez Descartes, en informatique nous avons le Professeur Donald Knuth. Il a écrit ce que l’on appelle une œuvre majeure qui permet aujourd'hui au numérique d'être ce qu'il est. Cette œuvre s'appelle "The Art of Computer Programming" : je pense que le nom est clair.

En ce qui concerne la citation suivante, soit vous vous êtes trompé en la recopiant, soit un journaliste a raccourci mon propos, soit probablement, je me suis mal exprimé : « L'informatique ne peut pas s'enseigner comme une science, c'est un art créatif qui demande une pensée disruptive » n'est pas de moi.

L'informatique est en outre composée de deux matières. La première est une science et s'appelle le "computer science" et cette matière s'enseigne comme telle. La seconde s'appelle le "computer programming". Celle la est un art et ne peut s'enseigner comme le "computer science". Il ne fallait donc pas écrire "L'informatique ne peut s'enseigner comme une science" mais  bien "la programmation" ce qui n'est pas la même chose.

Comme dans tout syllogisme, vous en tirez une conclusion. Malheureusement, dans votre cas, elle est fausse, en particulier parce que la seconde proposition n'est pas vraie.

Ce que je dit, c'est que votre système d'enseignement, la pédagogie dite "classique" que vous promouvez et que vous enseignez très certainement brillamment, a des avantages mais aussi des inconvénients. L’un des plus criant, c'est qu'elle est très mauvaise pour enseigner les métiers d'arts et encore plus pour promouvoir l'esprit disruptif. Comme vous remarquez, il ni a aucun rapport avec les sciences dans ce que j'écris.

Je trouve cela pour le moins bizarre que vous puissiez penser que j'estime qu’un scientifique ne peut rien inventer : c'est juste un non sens.

Je préfère vous le dire tout de suite également, notre pédagogie a aussi des inconvénients. De vous à moi, je m'en fous, dans un cas comme dans l'autre. Je ne suis pas là pour défendre ma paroisse mais tenter simplement d'intégrer des jeunes dans un monde complexe et en faire des citoyens. Ce n'est ni une insulte ni un problème d'imaginer une école qui forme des gens à devenir autre chose que chômeur, ne vous en déplaise si j’en crois la conclusion de votre article.

Puisque tous les humains sont différents et que je suis un grand défenseur du concept d'égalité, c'est a nous, d'adapter les systèmes d'enseignement pour que tous aient une chance de réussir. Ne promouvoir qu'une seule pédagogie est idiot.

Enfin, voyez vous, il se trouve que j’ai vécu dans le monde de la pédagogie la plus classique pendant des années, disons du CP à la Terminale. Apres avoir teste lamentablement la fac pendant 2 ans, fait un IUT et réussi une quasi école d'ingénieurs, je pense avoir pas mal essayé tout ce que propose l'enseignement Français.  C'est aussi la raison pour laquelle je me permet de critiquer ce système qui comme le nôtre a ses limites.

Par contre je ne suis pas certain que vous sachiez programmer ou que vous ayez eu une fois dans votre vie eu a travailler dans le mode projet tel qu'on le promeut.

Mon père est diplômé de l'école des Mines et ma mère était Professeur de Mathématiques. Aussi, je crois me souvenir qu'en tant que professeur vous avez pas mal de temps libre l'été ?

Il se trouve que nous sommes nous ouvert pendant cette période dite de "grandes vacances" pour les épreuves de sélection (d'ailleurs, je n’ai pas bien compris comment un agrégé fait pour sous-entendre que nous avons une sélection inhumaine...).

Aussi je vous invite a venir passer deux semaines de cette épreuve a l'été 2015 afin que vous puissiez a l'issue porter un œil critique sur notre établissement et notre mode d'enseignement. Nous pourrions nous améliorer d'une critique rondement menée.

Comme le dit Hume : pas d'expérience, pas de connaissance et la science commence par l'observation d'un fait polémique.

mardi 14 janvier 2014

LETTRE OUVERTE À ALAIN FINKIELKRAUT

Ce lundi 06 janvier 2014, je vous écoutais présenter votre dernier ouvrage sur France Info. Dans votre intervention, deux points m'ont interpellé :

Vous disiez que des mathématiciens prônaient, dans une tribune du journal « Le Monde », un retour au tableau noir et à la craie ainsi que l'arrêt des outils numériques parce que "ça accompagne mieux la pensée » (pour vous citer) et d'ajouter : "les outils numériques et internet appauvrissent les cultures dans le monde en voulant l'uniformiser".

M. Finkielkraut, permettez-moi de vous dire que je suis surpris qu'un grand esprit comme le vôtre puisse s'accomoder de tels raccourcis. Pour faire tout aussi court et donc tout aussi faux, je pense que c'est très exactement le contraire.

Mon père est un immigré de la première génération, comme le vôtre. Il ne m'a jamais appris sa langue maternelle - axe majeur de l'apprentissage d'une culture -, parce qu'il "n'avait personne avec qui la parler".

À l'époque de mon père, dans les années 60-70 en Bretagne, si l'on ne devenait pas Français, si l'on souhaitait à tout prix garder sa culture d'origine et ne pas « s'uniformiser », alors on s'isolait de tout, reclus dans dans le monde, avec comme seule porte de sortie probable, l'exclusion et la folie. Dans ces conditions, mieux valait s'assimiler aux Français ! C'est ce qu’a fait mon père et qu'il nous a transmis, en devenant breton et même en étant élu « Breton de l'année », et en faisant de nous, ses enfants, des citoyens aussi français que n'importe quel autre Français. Et c'est ce modèle d'intégration qu'embrassent aujourd'hui des millions d'immigrés, de couples mixtes et leur descendance.

Mais voyez-vous, mon épouse est immigrée de première génération également, et mes enfants parlent parfaitement la langue de leur mère. Non pas parce que cette langue est répandue en France, puisqu'elle n'est à peine parlée que par 4,5 millions de personnes dans le monde dont seulement quelques milliers en France, que nous fréquentons peu, du reste.

Ils la parlent parce que ce genre de choses se transmettent certainement mieux par la mère mais aussi parce que tout les jours ou presque, ils peuvent parler au reste de la famille installée à quelques milliers de kilomètres. Avec Internet, c'est possible !

Mes enfants suivent même à distance l'école de ce pays, toujours via internet et autres outils numériques. Cela leur permet, tout en vivant en France, de ne pas ignorer la culture de leur mère, qui est aussi un peu la leur.

Aujourd'hui, M. Finkielkraut, quand vous êtes originaire du Penjab, et que vous voulez écouter les derniers tubes de la musique de votre culture, vous n'avez qu'à vous rendre sur http://jatt.fm
L'effet évident, c'est qu'avec internet, rester dans sa communauté culturelle est devenu plus facile, quel que soit son positionnement géographique dans le monde.

Encore mieux : au travers d'internet on crée aujourd'hui des nouvelles communautés. Des communautés de pratiques, des communautés religieuses... des gens qui, si internet n'avait pas existé, ne se seraient jamais rencontrés.

Je pense qu’aujourd’hui, il est impossible d'aborder la problématique de l’intégration sans mieux prendre en compte ces nouveaux usages qu’un raccourci, même sur un grand média. Sinon, on prend le risque de perdre pied avec la réalité de l’immigration à l’ère du numérique.

Enfin, concernant l'éducation, vous dites que la craie, la manipulation manuelle en quelque sorte, accompagne la pensée... je vous rejoins volontiers sur ce point. Je pense même que pour beaucoup, c'est le corps et le travail manuel qui créent l'intelligence.

Mais M. Finkielkraut, à qui doit-on l'ultra-théorisation de notre école ? À qui doit-on le fait que notre école ne forme qu'au travers de cours magistralement théoriques, sans aucun rapport avec la réalité matérielle ? À qui doit-on le fait que le travail pratique n'existe plus dans notre école ? Comment apprend-t-on un cosinus et un sinus de nos jours ? Quel objet concret manipule-t-on pour en saisir le sens? Non, on vous les définit de manière complètement théorique sans aucun lien avec la réalité matérielle. Juste quelques formules à rabâcher en cours, et au bout, un examen qui sanctionne ! Si vous le ratez, vous êtes jugé idiot ou... en passe de le devenir.

Depuis la génération de mon père jusqu'à celle de mes enfants, en passant par la mienne, rien n'a changé, tout comme on lui apprenait à chanter: "Nos ancêtres les Gaulois !" du fin fond de sa brousse africaine !

Maintenant je vais vous indiquer comment nos étudiants font « connaissance » avec sinus et cosinus à « l'École42 ». Il est demandé à un groupe d'élèves de réaliser un jeu vidéo. Un outil numérique ! Pour créer cet outil, l'étudiant a ses doigts et un clavier d'ordinateur. Imaginons alors qu'il veuille créer un « Finkielkraut 3D », son jeu.

Pour le réaliser, il doit absolument calculer sa 3D isométrique en utilisant obligatoirement des sinus et des cosinus. Notons au passage que comme par hasard, notre école est composée de 40% d'étudiants qualifiés de "moins que rien" : ils n'ont pas le baccalauréat ! Cependant ils se retrouvent aujourd'hui à apprendre sans professeur, sans craie, sans règle, ni compas, sans tableau noir...ces sinus et cosinus qu'ils ont tant détestés au lycée. Ici, ils n'ont à disposition que l'internet et un outil numérique et ils y arrivent.

En conclusion, je pense que l'internet et les outils numériques ne sont pas le problème. Je pense que vous n'êtes pas créationniste et que vous savez donc que l'internet et ses outils ne sont pas « tombés du ciel » ; ce sont des pures inventions humaines. C'est à nous de les utiliser et de les perfectionner pour en faire ce que l'on souhaite.

Par contre il est certain que si nous laissons cet outil nous échapper, il nous échappera à nous mais pas à tout le monde : il sera accaparé par d'autres ! Et si vous, philosophe, écrivain… faites de tels raccourcis, alors pour le coup, c'est le début d'un abandon coupable et internet sera récupéré par des gens qui n’ont pas les mêmes objectifs que nous...

La vraie question n'est pas un retour intégral à la craie ou la plongée dans le tout numérique. La question c'est de proposer des solutions d'éducation adaptées à chaque enfant, pour que chacun parvienne à notre objectif collectif de citoyenneté.

L'outil numérique et internet, c'est très exactement la solution qui permettrait à l'État d'offrir aux agents de l'éducation la possibilité de ce suivi individualisé. Certains pourraient faire leur cours en ligne, tandis que d'autres utiliseraient le modèle physique que vous préconisez et enfin les troisièmes, certainement la grande majorité, combineraient les deux, en offrant ou non, des cours pratique ou théorique sur internet. Tout cela pourrait se faire à une vitesse adaptée à chaque rythme de vie et à chaque personnalité, sans perdre pied au milieu des 15 millions de jeunes français actuellement scolarisés.

Mais pour cela, il faut bien comprendre toute la portée et la puissance d'internet et de ses outils. C'est pour cette raison que je vous invite à venir visiter « l'École42 » et même la soumettre à votre grande expertise, si vous souhaitez.

Après tout, moi j'ai pu bénéficier de quelques heures de cours d'introduction à la philosophie en classe terminale, mais je ne suis pas sûr que vous ayez été initié au cours de programmation informatique en 1965 à Henri IV.


Je vous exhorte donc à venir à « 42 », vous constaterez qu'internet n'est pas un grand méchant loup, mais un outil d'une formidable puissance, surtout si des grands hommes sages s'en emparent.

jeudi 2 janvier 2014

Des vapeurs s'echappent du reacteur 3 de Fukushima

Suite a quelques mails que je viens de recevoir, je vais essayer de vous decrire rapidement ce que disent les specialistes autour des vapeurs radioactives qui s'echappent en ce moment de Fukushima (j'ai toujours un QWERTY et je suis toujours mauvais en orthographe !).

L'histoire, celle qui est raconte par les journalistes et tous les gouvernements c'est "suite a un tsunami, la centrale de fukushima a explose".

C'est pas vrai du tout. Le rapport d'expertise japonnais est tres clair. Fukushima a explose a cause d'une serie d'erreurs humaines. Je le precise bien parce que c'est important de comprendre que les Japonnais, un peuple particulirement carre et precis c'est plante lamentablement, alors imaginez les autres...

On dit que c'est le tsunami parce que c'est plus simple de continuer a dire que "c'est la faute a personne" que c'est notre faute. Ce qui est con c'est que ceux qui relaient au grand publique l'info, continuent de le faire.

Je ne vais pas vous refaire le tour du rapport, l'exec sum est sur mon blog, vous pouvez le lire. Tres rapidement, les erreurs sont multiples et la 1er est de poser une centrale nucleaire dans un pays soumis aux tsunamis. La 2nd a ete de mettre la centrale au bord de l'eau (altitude 0m). Pour la petite histoire les japonnais ont du creuse la falaise de 30m (ce qui est la hauteur de la vague qui a frappe la centrale !), a l'endroit meme ou des steles avaient ete dressees par les anciens disant : "ne rien construire sous cette hauteur, risque de tsunami !" pas con les anciens hein ?

Bref, la centrale est composee de 6 reacteurs nucleaires. Nous allons ici nous attarder sur le 3ieme. Un reacteur nucleaire, pour faire vite, c'est une espece de bombe nucleaire, que l'on refroidis avec de l'eau et cette eau chaude alimente des turbines qui donnent de l'electricite.

Voila une petite photo d'un reacteur type Fukushima en court de construction (img wikipedia) :



Si une centrale n'est pas refroidis... elle explose !

Apres toutes les conneries accumulees par les japonnais de 1984 a aujoud'hui encore, au premier incident serieux venu, ca leur a pete a la gueule. A savoir donc un tsunami qui est un evenement meteo exceptionnel au sahara, mais relativement frequent au Japon et donc une vague a detruit les installations autour de ce reacteur et en particulier la partie qui permet le refroidissement.

Le coeur du reacteur a donc chauffe. En chauffant il a transforme son eau de refroidissement en hydrogene plus oxygene et le tout a donc explose (sachez qu'il y a debat sur cette question, il n'est pas impossible que ce soit une veritable mini explosion nucleaire qui ce soit produite dans les faits) avant de continuer a chauffer, a fondre, a attaquer tres certainement sa cuve en acier qui ne peut pas resister a cette temperature, pas plus que beton (8 metres) qui tiens la centrale et encore moins le sol sur lequel tout repose (oui si ca ce trouve le coeur du reacteur est en train de se creuser un trou dans la croute terrestre. On sait pas on a attendu plus de 20 ans pour pouvoir introduire une camera dans tchernobyl et regarder ou etait alle le coeur et lui n'avait pas trop bouge !).

Voici une coupe de la centrale et ce qui nous interesse particulierement dedans :



La partie en rouge ici est une piscine qui, comme vous pouvez le remarquer est situe dans les etages superieurs.

Cette piscine sert d'endroit de stockage temporaire pour les combustibles qui doivent etre sorti de la centrale.

Regardez cette video qui explique le "comment ca marche" (en effet il se trouve qu'au moment de l'accident, le combustible du reacteur 4 etait dans cette piscine de stockage temporaire. Aujourd'hui TEPCO souhaite le retirer, et a donc realise un magnifique petit film de totale propagande qui a le merite de vous montrer comment on retire un noyau de cette centrale).



Or, sur le reacteur 3, suite a l'excploson cette piscine est desormais... a l'air libre ! En effet, lors de l'explosion le toit de la centrale a ete souffle.. et DONC les etages superieurs donnent directement dehors.

De plus, lors de l'explosion des bouts (personne ne sait combien) de melange du reacteur 3 on ete projette dans cette piscine... PLOUF !

et voila la seconde video qui montre cette piscine qui est tranquillement a l'air libre :


Mais alors que ce passe-t-il ? Quel est cette vapeur ? Je ne sais pas... Je suis pas physicien et encore moins dans le nucleaire... mais ce qui est sur c'est que de la vapeur d'eau s'echappe regardez la belle photo !



Seulement voila, le principe c'est qu'a pression atmospherique standard (ce qui est le cas puisque le toit est ouvert), l'eau s'evapore si on la chauffe.

Qui chauffe ? A votre avis ? Oui ! le combustible qui est tombe dans la piscine de l'etage superieur !

S'il se met a chauffer c'est qu'il atteint un etat dit "critique" qui comme son nom l'indique... craint a mort et  sans que l'on sache la quantite qui est a l'interieur prete a exploser.

Bref, ca craint grave, puisque cette vapeur est pour le coup extremement radioactive, et avec les vents, elle va atterir en Californie dans quoi ? 5 a 7 jours max ?

Juste pour vous demontrer, non pas que je soit contre le nucleaire, je pense qu'au regard de la situation, compte tenu de ce que l'on sait du peuple japonnais, sa culture de l'excellence, sa parfaite maitrise des technologies, ils n'ont pas reussi a maitriser une centrale.

Si les japonnais n'y sont pas arrive, personne n'y arrivera !

Fukushima, nous ne sommes qu'au debut de l'histoire... et elle ne va pas etre sympatrhique.